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Rassegna bibliografica
Ottocento a) dal 1800 al 1850 a cura di Lise Sabourin e Valentina Ponzetto

Bénédicte Monicat, Écrits de femmes et livres d’instruction au xix siècle. Aux frontières des savoirs

Lise Sabourin
p. 422-423
Notizia bibliografica:

Bénédicte Monicat, Écrits de femmes et livres d’instruction au xix siècle. Aux frontières des savoirs, Paris, Classiques Garnier, 2019, 350 pp.

Testo integrale

1Sans être aussi célèbres que Mmes Campan, Rémusat, de Genlis, Necker de Saussure ou Guizot, la liste des femmes auteurs de livres d’instruction et d’éducation, fournie par les vingt-trois pages de sources primaires de la bibliographie réunie par Bénédicte Monicat pour son étude sur les Écrits de femmes et livres d’instruction au xixe siècle, est impressionnante. Le corpus est large, étudié en six chapitres: «Fondements de l’apprentissage» (pp. 35-75), «Fondements de l’éducation» (pp. 77-116), «Temps et espaces paralittéraires et parascolaires» (pp. 117-161), «Nature et savoirs» (pp. 163-208), «Sciences fondamentales» (pp. 209-243), «Sciences du foyer» (pp. 245-283).

2Au tout début de ce processus de pédagogie, vulgarisation et passage de savoirs qu’assurent les mères, les institutrices et les maîtresses de salles d’asile, se situe l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, depuis le b-a-ba fondamental jusqu’à la copie et à la dictée, des premières rédactions à la «lecture courante». La créativité s’avère plus grande qu’attendue, par la dimension méthodologique, souvent inventive et même poétique, voire ludique, que déploient ces femmes soucieuses d’ouvrir cette porte d’entrée vers tout savoir. Alphabets, phrases isolées, belles histoires guident peu à peu l’apprenant par l’expérience sensorielle (images, gestuelle) vers la sociabilité (affirmation de soi, volonté de reconnaissance). Ces femmes n’hésitent pas à commenter de quelques réflexions abstraites les méthodes qu’elles ont mises au point avec leurs élèves, rejetant par exemple la pure mémorisation au profit du raisonnement. Le développement des institutions scolaires au fil du xixe, même si beaucoup se fait encore au sein de la famille, les pousse à une démarche déjà épistémologique, comme le manifeste par exemple l’extension à l’instruction coloniale de certains ouvrages en fin de siècle. Le poids des règles et les limites de la convenance ne manquent pourtant pas. Instruction utilitaire et degré pratique sont appelés au secours contre le rejet instinctif de la grammaire et de l’orthographe déjà éprouvé par les élèves de ce temps, mais vivement combattu au nom de la solidité nécessaire des bases langagières. La pratique épistolaire vient ensuite les mettre en application personnelle, tout en initiant aux bienséances sociales. Vient ensuite l’imitation de modèles, avec lecture littéraire, récitation et constitution d’une culture propice à la conversation adulte future.

3Puis vient le temps d’apprentissage de l’instruction religieuse, de la morale et de la civilité. Le savoir, là, est plutôt d’ordre théologique et philosophique, et les femmes auteurs de manuels se sentent surtout chargées de transmettre, en fonction des âges et des conditions sociales des publics visés. Même si peu à peu la sécularisation l’emporte sur la tradition religieuse, le prescriptif l’emporte sur l’interrogation. Mais la conscience est subrepticement appelée à jauger l’institutionnel. L’histoire sainte est présente au même titre que l’histoire générale au brevet du Second Empire, même si l’histoire de France, si vantée par la Troisième République, en dérive plus ou moins: le transfert de sacralité s’opère dans le récit national. Morale et religion sont de même étroitement liées, vécues comme réconfort réparateur et apprentissage des vertus domestiques aussi bien que patriotiques. Hygiène, honnêteté, indulgence, abnégation, ordre moral et social sont au programme, qu’il s’agisse du christianisme ou du républicanisme: crainte de Dieu, amour du travail, respect des parents sont des vertus proposées contre toute anxiété, même si les lois Jules Ferry de 1880-1882 sonnent le glas de l’instruction religieuse dans l’école publique, au profit d’une civilité du vivre ensemble qui n’exclut pas de «discipliner les masses» tout en ouvrant progressivement le champ des disciplines scientifiques au rythme de l’accession à l’enseignement secondaire puis supérieur.

4Alors s’ouvrent les chemins vers les savoirs historique et géographique, requis dans l’instruction primaire dès 1867. Mais ils étaient déjà dans les histoires pour les enfants offertes à la lecture, souvent sous forme de récits héroïques (biographie exemplaire, vies de saints, histoire des martyrs) aidant à la mémorisation des dates et des époques, ou de récits d’aventures (voyages, fictions, descriptions touristiques, tours de France et promenades en régions). Leur fonction n’était évidemment pas la même pour les garçons invités à l’exploration, préparés à des carrières maritimes ou militaires, mais les filles peuvent y trouver des supports romanesques et apprendre par comparaison la francité.

5Les sciences naturelles, intégrées depuis le xviiie siècle à l’éventail des savoirs de base, sont une composante essentielle des «engagements féminins»: jardinage, connaissance des plantes médicinales, du règne animal comme végétal, des «merveilles» de la Nature entrent dans l’apprentissage des devoirs de la vie domestique. La botanique par l’herbier et le calendrier climatique offre un déploiement de citations savantes et d’images amusantes, tandis que la taxinomie des espèces et le langage des fleurs proposent de quoi nourrir l’imagination grâce à des ouvrages hybridés de vulgarisation et de spéculation métaphysique, qu’interrompent parfois des pauses autobiographiques et poétiques, sollicitant l’interrogation et l’action. Apprivoiser et protéger, les animaux domestiques comme la nature, intéresse ce jeune lectorat.

6Les savoirs scientifiques fondamentaux sont introduits de manière plus mesurée, partant plus de l’expérience que n’allant jusqu’à l’abstraction. L’arithmétique certes, tronquée de ses éléments les plus élaborés (algèbre et logarithmes), une physique plus expérimentale que théorique, un peu de chimie et de physiologie: tel est le programme jugé accessible aux filles, jusqu’à ce que s’introduisent astronomie et géométrie, anciennes disciplines ouvertes par leurs pratiques concrètes aux femmes jugées a priori peu aptes à la théorisation.

7Demeurent toujours les «sciences du foyer», domaines anciens d’autorité féminine, dont la transmission n’exclut pas toujours la transgression. Ainsi la pratique de la musique, du chant et du dessin, la couture et la cuisine ne sont-ils pas forcément des arts d’agrément ou d’utilité domestique, mais peuvent devenir l’expression d’une créativité personnelle, d’une évasion intime, et même d’une autonomisation sociale quand s’ouvre la nécessité de gagner sa vie ou d’échapper aux codes de son milieu. Souvent limitées aux «genres mineurs» (l’aquarelle, l’ornement brodé, la peinture sur porcelaine), certaines femmes vont y trouver la voie de leur développement intellectuel, passant du savoir-faire au savoir, éventuellement professionnalisant, notamment dans les années 1880 comme le montre la spécialisation de plus en plus visible des livres d’instruction.

8Le sujet intéressant de cet ouvrage est malheureusement traité par l’auteur sous un angle essentiellement sexué, en un langage assez pesant. Elle traite des femmes auteurs de livres d’instruction féminine, sans vraiment rappeler pourquoi les mères s’adonnent essentiellement à l’éducation de leurs filles (la pension qui attend généralement les garçons, le couvent souvent pour les filles ne sont pas même évoqués) et l’orientation féministe du livre finit par dévaluer certaines démonstrations tant elles sont idéologiquement actuelles. Dommage, car l’enquête est riche et variée.

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Notizia bibliografica

Lise Sabourin, «Bénédicte Monicat, Écrits de femmes et livres d’instruction au xix siècle. Aux frontières des savoirs»Studi Francesi, 197 (LXVI | II) | 2022, 422-423.

Notizia bibliografica digitale

Lise Sabourin, «Bénédicte Monicat, Écrits de femmes et livres d’instruction au xix siècle. Aux frontières des savoirs»Studi Francesi [Online], 197 (LXVI | II) | 2022, online dal 01 octobre 2022, consultato il 29 mars 2024. URL: http://journals.openedition.org/studifrancesi/50053; DOI: https://doi.org/10.4000/studifrancesi.50053

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